#Hirst à la #Tate vs #Modigliani à la Pinacothèque : du nouveau, même pour les Ne(t)kulturni

Londres met en scène Hirst, star globalisée plus vivante que jamais, pour un coup de rétro précoce. Paris sort de l’ombre la collection Netter de l’icône prodige du Bateau Lavoir, Modigliani. Deux conceptions du rayonnement, même plaidoyer pour l’esprit pionnier.

L’opposition de style semble presque aussi radicale que pour l’élection présidentielle 2012 en France ou les grandes orientations économiques et de compétitivité entre France et Royaume-Uni au début du XXIè siècle. Et comme en politique, les réflexes reptiliens (au mieux Oedipiens si on vote comme ou pour Maman, comme ou pour Papa, ou pas) et autres contraintes logistiques (selon qu’on vit près d’une gare TGV ou d’un musée, qu’on loge dans un appart BoBourgeois à tableaux aux murs ou Bobohème à semelles de vent à carte Frequent Flyer, qu’on est plutôt « London » ou irréductiblement ‘Paris ») sont à peu près les seuls déterminants du vote. Sinon, il faudrait lire un peu, consulter des guides d’orientation, (électroniques ou pas).

 

Inutile de chercher la « vérité » dans les magazines plus ou moins chics, plus ou moins culturels, plus ou moins en en anglais ou en français, un article inévitablement plus ou moins gentiment vachard contre le pays de l’autre côté du Channel vu depuis Douvres ou Calais, et surtout pas dans The Economist ! L’art perd une part de sa capacité de transmettre un message au monde nouveau quand il flirte avec l’argent, que ce soit le Sterling ou l’Euro, d’ailleurs : le Bateau-Lavoir n’était pas un yacht de milliardaire, et on peut trouver ça très bien et penser, tout réflexe politique pavlovien mis à part, en voyant les mains pas si invisibles derrière certaines enchères médiatisées qui soutiennent la cote de l’art moderne de la période actuelle et de Hirst en particulier, que c’est aussi le dénuement et le désintéressement qui fait (faisait ? fera ?) les vrais prophètes du monde qui change, même si Modigliani et quelques autres de ses contemporains auraient peut-être apprécié une vie de bohème un rien plus embourgeoisée (ce qui accessoirement lui aurait probablement évité une mort précoce de maladie mal soignée, ou alors l’aurait envoyé se faire tuer plus tôt faute d’avoir été réformé, qui sait ?).

Inutile de chercher « La Bataille de Trafalgar » dans un vieux catalogue de Turner pour ricaner en sifflotant « Rule Britannia », il n’y a pas photo : la France républicaine des décennies d’avant les suicides de l’Europe continentale a incontestablement produit plus de tableaux qui ont rendu le monde durablement plus beau et plus heureux que sa cordiale rivale. Même si on peut trouver que Paris (ach, le jacobinisme, gross Malheur, mais le régionalisme à la française produit des bagnoles plus moches et pas d’oeuvres d’art plus notables) a manqué de vision, voire de réalisme, voire d’intelligence, et certainement d’inspiration en sifflant les « Impressions » de Monet », en ne subventionnant pas le chauffage du Bateau Lavoir ou de quelques autres taudis du Montparnasse du tournant du XXè siècle et en laissant trop d’oeuvres s’enterrer dans des collections privées (de public ? d’âme ? d’avenir ?) de France et d’ailleurs pour des bouchées de pain noir aux artistes, cela ne donne pas nécessairement raison à Hirst contre Modigliani. Mais tout ne se passe pas à Paris ou Londres comme il y a un ou deux siècles, les « Trafalgar » et l’avant-garde sont ailleurs.

De l’eau coule sous les ponts de Paris, les courants marins changent le climat de Londres et il y a des musées partout ailleurs. Des artistes qui montrent les chemins de demain, aussi (pour les lendemains qui (dé)chantent, c’est depuis plus ou moins toujours un autre genre d’artistes, mais les goûts des mécènes et les couleurs des subventions …).

Des artistes d’ailleurs qu’on peut voir éclairer demain à Paris (ou Londres), d’ailleurs, voir d’encore ailleurs et même d’un peu partout y compris d’où la liberté de circulation est un peu moins facile qu’en imparfaite (mais « what else ? ») Europe grâce à internet qui n’est pas seulement qu’un machin pour les campagnes électorales et autres jeux vidéos pour grands ados et ne(t)kulturnis post-whatever.

Bref, même si chacun ses goûts et ses couleurs et toussa-touça, c’est plus excitant de fantasmer sur la vie de bohème et le dénuement des artistes en buvant un café que de compter les golden-boys aux ventes aux enchères sur internet …

Comment Über-Londres qui nous a offert « Revolution » (deux versions rien qu’avec les Beatles), « le sens de la vie » (7 scènes et un court-métrage, rien qu’avec les Monty Python) et le sens de l’humour (avant même l’invention de Desproges et la découverte de Woody Allen) a t’elle pu en arriver là ?

Mais les goûts (de pouvoir ?) et les couleurs (de l’argent ?), et vice-versa, ça ne se discute pas (surtout entre Anglais et Français dont les gastronomies, religions et gouvernances sont assez fondamentalement antagonistes). Ou alors il faudrait un talent d’écrivain témoin de son temps (et de celui de Modigliani et Hirst, of course) mais aussi intemporel que Modigliani, un peu « à la Cendrars » peut-être …

* * *

RF 10 avril 2012.

Mais qu’on soit plutôt « British School » tendance Hirst ou « Ecole de Paris » côté Modigliani, cela n’empêche pas d’aller “liker” un Café du matin à Paris, encore moins de se promener dans les pages un peu “du côté (ré)créatif de la compétitivité”.

          
          
         
   
       

A propos renaudfavier

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3 commentaires pour #Hirst à la #Tate vs #Modigliani à la Pinacothèque : du nouveau, même pour les Ne(t)kulturni

  1. Ping : Les arbres ne montent pas au ciel … : So What ? | Renaud Favier : Café du matin à Paris

  2. Murielle Levy dit :

    Bonjour,

    Je me permets de vous contacter car j’ai vu que nous avions un point d’intérêt commun : le peintre Chaïm Soutine.

    Après trois ans de recherches à travers toute l’Europe, auprès de personnes l’ayant connu et de collectionneurs, etc, j’ai produit un film documentaire qui relate son parcours, son oeuvre.
    Il s’agit du seul film à l’heure actuelle traitant de cet artiste fascinant.
    Le documentaire « Chaïm Soutine » est disponible à la vente au format DVD au tarif de 25 euros, frais de port compris pour la France métropolitaine (30 euros hors Métropole) => http://www.lesproductionsdugolem.com/soutine_golem.html
    Merci et à bientôt

    Murielle Levy
    Tél. : 01 43 15 08 03

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