#France #Europe : vers #croissance #compétitivité … normales. Maintenant ?

Les faits sont aussi têtus, contrariants et inquiétants que connus, même si les statistiques du commerce extérieur sont aussi instrumentalisées que tout « marqueur » de politique économique : le vieux paquebot France a pris beaucoup l’eau et tout le monde regarde ailleurs.

Les faits sont têtus (aussi en Allemagne, en Chine et autres pays clients et concurrents) :

  • que le déficit soit apparu en France avant ou après telle élection et que la balance des services puisse compenser un peu celle des biens est sans importance (même s’il serait un peu désespérant de supposer que la politique économique nationale n’a qu’un impact très marginal sur la compétitivité des entreprises en activité sur le territoire), le résultat est maintenant de -70 milliards annuels sans motif rationnel d’espérer une baisse des cours du pétrole, un sursaut de patriotisme économique, une épidémie de tsunamis chez tous les concurrents ou une ré-industrialisation réussie à marche forcée en France : la perte de richesse annuelle atteint des volumes considérable.
  • que le solde n’ait cessé de se dégrader depuis que l’Euro ne permet plus d’ajuster leur compétitivité au moins par la dévaluation aux pays / entreprises manquant de souplesse, de spécialisation sur des créneaux porteurs ou de dynamisme vers des marchés en croissance, est incontestable : l’aggravation est d’une grosse demi douzaine de milliards par an en moyenne et l’augmentation des exportations n’est qu’un trompe l’oeil qui reflète moins le dynamisme des entrepreneurs que la délocalisation des donneurs d’ordres qui « tire » les sous-traitants vers de nouvelles bases industrielles et la hausse des cours des matières premières qui « dope » les exportations (brutes, il faudrait mieux analyser les intrants et la consommation de ressources inégalement revouvelables comme l’eau phréatique) en valeur de l’agro-alimentaire.
  • que non seulement le nombre, la taille, le taux de croissance, la profitabilité et la compétitivité des entreprises exportatrices française évoluent mal et se comparent défavorablement à d’autres pays concurrents, même d’Europe du Sud au premier rang desquels l’Italie, mais que les solidarités et coopérations inter-entreprises, voire inter-institutions manquent de puissance de longue date malgré les encouragements à « chasser en meute », à s’entraider et à jouer collectif en synergie avec les efforts étatiques pour contrer les tentations protectionnistes des uns, les initiatives de compétitivité des autres et les pratiques pas toujours loyales de certains, enfin que la puissance de feu relative de la France dans la guerre économique mondiale décline tandis que celle des nouveaux concurrents de pays émergents et celle d’anciens concurrents de pays « gagnants » de la mondialisation est constatée dans toutes les statistiques globales sur les parts de marchés, tous les rapports nationaux sur la compétitivité et sur tous les marchés internationaux, y compris dans les filières d’excellence nationale historique comme l’aéronautique, le nucléaire ou même le vin.

Les faits sont contrariants :

  • on sait que le coût de la production, ou au moins de l’assemblage, en France, quand bien même le coût du travail y serait-il un peu plus élevé que chez ses concurrents directs et considérablement supérieur à celui de pays au système social nettement plus frugal, n’intervient que pour une fraction très limitée, le plus souvent non significative pour la décision d’achat, du différentiel de prix rendu chez le client, que celui-ci soit au coin de la rue ou au bout du monde, d’ailleurs. Les entrepreneurs qui persistent à externaliser en France la fabrication de produits soumis à la concurrence internationale, quand les filières de production n’ont pas totalement disparu, savent tous que les quelques euros de différence pour la fabrication d’une paire de chaussures ou les quelques centaines d’euros pour une voiture standard sont presque imperceptibles dans le prix de vente au client final, au-delà même du discours politiquement correct sur les délais, la qualité, la confiance et autres facteurs d’intendance ou de réseau ayant pu contribuer à certaines relocalisations souvent plus symboliques que déterminantes pour les chiffres de l’emploi, pas nécessairement durables et généralement pas sans compensations de la part d’acteurs territoriaux financés par l’impôt ou la dette, enfin rarement sans distorsions de la concurrence pure et parfaite vis-à-vis des concurrents étrangers, voire français.
  • On sait que notre droit du travail est un peu plus contraignant que dans la plupart des pays d’origine des concurrents directs des employeurs en France et considérablement pénalisant par rapport à des sites de production où l’on vise sans états d’âme bien plus la croissance, la conquête de parts de marché et la destruction des concurrents étrangers, voire domestiques, les moins performants que le maintien des avantages acquis dans l’écosystème et la préservation de l’emploi des derniers salariés productifs, mais même à se cacher les vérités qui fâchent pour ne pas nuire au dialogue social, ni donner de prétexte à des délocalisations motivées par la souplesse opérationnelle plus que par les coûts, on voit mal quelle volonté politique ou technocratique pourrait oser prendre le risque de tenter de dégraisser ce mammouth à froid dans un contexte politique et économique national, un environnement économique international et un espace concurrentiel européen a priori plutôt moins porteurs que ceux qui prévalaient avant la crise.
  • On sait que la fiscalité est globalement plus élevée, moins stable et plus compliquée pour les entrepreneurs en France que dans beaucoup d’autres pays où sans nécessairement avoir mis en place une « flat tax » ultra compétitive pour attirer les investisseurs étrangers, on évite de tangenter les records mondiaux de prélèvements obligatoires, on ne compense pas l’abandon d’une taxe professionnelle par un cocktail de fiscalité compensatoire destiné à éviter la banqueroute des acteurs publics locaux le plus souvent déjà surendettés et autant menacés par la probable hausse des taux que par les effets de produits financiers toxiques que d’honnêtes pères de famille n’auraient ni vendu, ni acheté, enfin on ne fabrique pas un complexe d’usines à gaz de crédits d’impôts dont surtout les mieux conseillés et leurs conseillers profitent finalement, non sans avoir fait perdre pas mal d’énergie et de temps en paperasserie et administration à des chefs d’entreprise qui en principe devraient pouvoir investir leur créativité, leur temps et leur argent autrement qu’à tenter d’optimiser les incitations administratives, les niches fiscales et d’autres soutiens publics plus ou moins efficients financés par leurs impôts et/ou à crédit.
 

Les faits sont inquiétants :

  • Même si les discours alarmistes sur les fuites de patrons français confrontés au péril des Soviets prêtent plus à sourire que les réalités de chercheurs et jeunes quittant le pays pour trouver un lieu où pouvoir continuer ou commencer à travailler, d’autant que ceux qui ont la mémoire de la « 1ère gauche » un tantinet dogmatique, des nationalisations et de la guerre froide qui était loin d’être gagnée jusqu’à la chute du mur de Berlin ont généralement depuis des lustres délocalisé au moins outre-méditerranée et/ou transmis leur entreprise, au mieux pour l’emploi en France par un montage défiscalisant et compatible avec l’expatriation à Bruxelles ou Genève de leur progéniture, au pire par la vente pure et simple à des investisseurs étrangers rarement autant intéressés par les capacités de production en France que par les réseaux et contrats commerciaux, les marques et technologies, voire les subventions nationales, locales ou européennes … force est de constater que les bons chiffres de créations d’entreprises sont largement artificiels et directement liés soit à des externalisations avec au mieux vase communicant de personnel, soit à des départs plus ou moins volontaires et le passage du statut de salarié à celui d’auto-entrepreneur dont l’entreprise a les plus grandes chances de rester unipersonnelle.
  • Même si les nouvelles technologies, le « green » et quelques autres créneaux supposés porteurs offrent sur le papier des perspectives excitantes aux entrepreneurs audacieux, si l’économie digitale et quelques secteurs connexes permettent d’envisager des taux de croissance à 2, voire 3 chiffres sans apport de capital autre que la matière grise et une énergie à toute épreuve, et si entre la future banque industrielle, les pôles de compétitivité, les pépinières, Ubifrance, Oséo, certains organismes territoriaux et nombre d’institutions souvent utiles et performantes, les créateurs sont relativement bien soutenus en France, voire choyés … le monde bouge très vite ailleurs, des concurrents performants et dynamiques émergent dans tous les domaines un peu partout dans le monde, d’Europe à la Corée du Sud, Singapour et la Chine en passant par Israël, le Brésil et les Etats-Unis qu’on a toujours tort de vouloir enterrer trop vite, et par Berlin, Londres et pas mal de métropoles européennes qui ont le couteau entre les dents et le cerveau en ébullition pour l’emploi de leurs concitoyens et l’avenir de leurs jeunes, et sont au moins autant soutenus et maternés que les startups françaises.
  • Même si les part de marché françaises en Europe (y compris en France qui est, en système commercial ouvert un pays d’exportation comme un autre avec les mêmes concurrents, généralement la même monnaie, à peu près les mêmes coûts de transport et contraintes logistiques et souvent presque autant de formalités) sont encore significatives et si elles ne sont pas négligeables sur tous les grands pays en croissance durablement plus forte que celle du vieux continent, et même si les écosystèmes locaux d’appui aux exportateurs français sont souvent assez résilients depuis l’époque où les volumes d’affaires et le nombre d’entreprises en prospection étaient plus significatifs (effet de ciseau, les « gros » exportateurs ont fusionné, pas toujours exclusivement en franco-français, les « petits » survivants ou nouveaux ont moins qu’avant les moyens du développement international, le credit-crunch n’arrangeant rien), où les grands contrats « tiraient » les PME sous-traitantes et étaient dopés par le financement au titre de l’aide au développement et où l’impulsion politique était moins fragmentée entre l’état, les régions et jusqu’à certains départements ou villes de taille moyenne ayant déployé des dispositifs de terrains divers et variés au gré de leurs alternances, décentralisation oblige … force est de constater que les moyens d’appui de terrain au service de l’intérêt général français sont à quelques situations exceptionnelles près au mieux raisonnablement coordonnés mais inférieurs à ceux des concurrents traditionnels et nouveaux ou visiblement pas à la hauteur des enjeux, au pire déraisonnablement dispersés et peu ou pas coordonnés par une diplomatie économique à tort ou à raison historiquement pas focalisée sur le business, récemment déconnectée des bureaux Ubifrance et pas toujours située ou représentée significativement dans les capitales économiques (ex. Brésil, Inde, Turquie, et même Chine avec l’émergence rapide de nouvelles zones économiques, sinon « spéciales » au sens administratif pékinois du terme, à tout le moins spécialement performantes et en croissance puissante, rapide et parfois assez disjointe du système central …) où se concentrent les entreprises et l’écosystème privé français et international d’accompagnement, et encore trop peu interconnectées avec les dispositifs publics et parapublics européens, allemands notamment, et régionaux.

Mais même si tout est un peu compliqué dans le monde en général et en France en particulier avec cette guerre économique qui dure en usant les moins compétitifs et les crises qui ébranlent et fragilisent, voire achèvent les moins bien préparés, même si le « made in France », le « assemblé en France » ou le simplement « conçu en France » seront aussi difficiles à redynamiser et remettre au goût du jour du monde nouveau que le « taxé en France alors qu’il est possible et même indispensable d’optimiser fiscalement pour ne pas être en déficit de compétitivité et ipso facto en voie de disparition », même si les marges de manoeuvres budgétaires sont un peu contraintes tant au niveau national que plus haut en Europe et moins haut dans les régions ou dans les municipalités soucieuses de développement économique durable, même si pas mal de réformes institutionnelles ont déjà été tentées avec ou sans soutien théorique de revue générale de ceux-ci, de choc de compétitivité de ceux-là ou de politique horizontale, verticale, transversale ou médiévale (ceci dit, un scénario européen de villes marchandes, plus ou moins hanséatiques, n’est pas intellectuellement sans intérêt en cas de fonte des glacis étatiques et de disparition de l’idée fédérale) selon l’idée de l’intérêt général en vogue du moment, les rapports de force institutionnels entre acteurs publics, parapublics et privés, la proportion de professionnels de la société civile et de politiques et administratifs dans les cabinets ministériels et les préconisations des consultants anglo-saxons en cour … rien n’empêche de retrousser ses manches, de brancher le neurone sur un ordinateur, de consulter les entrepreneurs et leurs partenaires, de sortir quelques dossiers du XXè siècle et outils du XXIè siècle et de se mettre au travail (« Arbeit », auf Deutsch) un tant soit peu en réseau entre partenaires de bonne volonté français, européens, voire d’un peu plus loin si des schémas gagnants-gagnants sont négociables pour aller un peu plus vite et plus avant que du temps des commissions mixtes et autres quasi-grenelles avec tel ou tel pays émergé ou en voie d’émergence, un tant soit peu en interaction avec les entrepreneurs en France et français à l’étranger pour éviter le syndrome de la réforme « hors-sol », et un tant soit peu avec la vision à moyen terme d’une sorte d’Airbus de l’Export associant les acteurs publics, parapublics et privés français crédibles et leurs homologues européens performants, pour tenter de rendre l’écosystème plus efficace au service des entrepreneurs innovants qui pourraient se transformer assez naturellement en créateurs d’emplois dans un environnement économique … normal.

Sans compliquer les choses inutilement, ni faire de notes ou phrases trop longues, parce que les entreprises et les pays qui marchent respectent des règles assez … normales.

Sans oublier que 99% du monde réel des affaires est ailleurs mais qu’il est … normal d’essayer de savoir ce qui s’y passe, ce qui s’y prépare, et d’y avoir quelques réseaux.

Sans négliger que plus de 99% du futur est inconnu, c’est … normal, mais ça n’empêche pas d’essayer de prévoir mieux pour gouverner mieux, évoluer plus « durablement ».

Et passer au wifi, voire au 4G sans s’accrocher seulement aux vieilles branches, aux vieux réseaux et à tous les trucs, fantasmes et autres machins qui n’ont jamais marché en France ni nulle part ailleurs et n’ont aucune raison de mieux fonctionner juste parce que les anciennes équipes ont emporté ou jeté les dossiers d’évaluation, de benchmarking et de brainstorming pour créer de nouvelles structures de conseil, d’appui ou de lobbying faire de la place aux nouveaux conseillers ministériels et aux jeunes recrues des administrations techniques qui vont passer des heures rien qu’à classer les notes de propositions de tous les lobbies bien intentionnés, contre-lobbies bien intentionnés, institutions bien intentionnées, consultants bien intentionnés et autres experts bien connectés, le plus souvent bien intentionnés.

S’occuper de sa compétitivité, c’est … normal. Pour un pays, pour un entrepreneur, pour quiconque souhaite préserver son « employabilité » et préparer l’avenir des plus jeunes.

* * *

Quelques références téléchargeables, en complément aux nombreux rapports publics français ou européens parfois un peu prévisibles ou datés, voire pas très originaux, mais incontournables, aux statistiques française et internationales notamment OMC (sur le commerce mondial et le protectionnisme rampant), OCDE et FMI (sur les politiques publiques de compétitivité et d’innovation) et CNUCED (sur l’investissement international), aux études d’organismes et think-tanks privés généralement pro-domo ou commanditées par telle ou telle main invisible mais souvent éclairantes, aux éléments de politiques publiques étrangères (USA, Roy.Uni, Canada, notamment voire Suisse et Pays-Bas, l’Allemagne est plus discrète et … germanophone) d’appui à la compétitivité dont on trouve très facilement des éléments affichés sur le web, et aux articles de presse d’actualité française et étrangère le plus souvent d’excellente lucidité même si parfois un peu déclino-masochistes eu égard au potentiel de rebond français ou insuffisamment vigilants quant aux réalités du monde comme il va, aux tempêtes et tsunamis qui menacent plutôt plus qu’au bon vieux temps des Trente Glorieuses, et aux icebergs à grande vitesse qui croisent autour des vieux paquebots d’une Europe dont les compétiteurs sont aussi inégalement engagés dans la guerre économique du XXIè siècle qu’ils le furent dans les autres guerres territoriales, maritimes ou froides (cliquer) :

A propos renaudfavier

Ils semblent grands car nous sommes à genoux (LaBoétie) Je hais la réalité, mais c'est le seul endroit où se faire servir un bon steak (Woody) De quoi qu'il s'agisse, je suis contre (Groucho) Faire face (Guynemer)
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